Le Secret de Misia (interview de Guy Cogeval) |
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Sur l'exposition Misia Reine de Paris, indispensable, (avec quelques erreurs, et un peu d'hypocrisie) un interview
bien préparé par Charles Dantzig, sur France Culture (Le
Secret de Misia) de Guy Cogeval, directeur du musée d'Orsay,
à qui nous devons cette excellente initiative, qui rend enfin,
quoique partiellement, hommage à cette muse hors du commun. |
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Les erreurs :
GC - [...] une période assez confuse lorsqu'elle est très jeune autour de ses quinze ans, où elle se rapproche beaucoup du peintre félicien Rops qui est un peintre à la réputation sulfureuse assez érotique. Non, c'est bien exagéré. Une source prouve qu'elle passa, une fois, des vacances d'été (elle avait 17 ans) au même endroit que Rops et sa fille Claire, ce qui n'est pas étonnant puisque Rops connaissait les familles Servais et Godebski. Le reste de la "piste Rops", ce n'est qu'une phrase, tardive, qui aurait été dite à Jacques Porel, piste qui me semble très, très fine (c'est-à-dire, très très probablement une invention de Misia, pour masquer ce qui s'est réellement passé à cette époque...) Guy Cogeval :
"- Pendant sa jeunesse elle a été confiée je crois
confiée aux soeurs du Sacré-Coeur
Charles
Dantzig : - Où ça?, à Paris? GC à
Paris Et ensuite elle est partie à .. à Bruxelles et en
Belgique pendant un certain temps.
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Non pas à Bruxelles Et
en Belgique. Elle a vécu effectivement en Belgique, ailleurs
qu'à Bruxelles mais ce n'était pas après le
couvent. CD - Elle a suivi ses parents ? GC - Elle a suivi ses parents et elle a suivi sa mère en particulier.
Non. Horrible erreur !
Comment peut-on dire cela, alors qu'une donnée cruciale du
caractère de Misia, c'est la mort de sa mère à sa
naissance. Quant à parler de sa belle-mère, ce serait
absolument faux (ou bien crédule vis-à-vis de
l'autobiographie).GC
[sur les résidences de Misia:] -La rue Saint Florentin
c'est une rue beaucoup plus chic où se trouve l'ambassade des
Etats-Unis et elle a bougé après une première
adresse parisienne qui était la rue Laffitte, elle a
bougé vers la rue StFlorentin et a tenu un salon qui
était très important.
Non, elle n'a pas
habitée rue Laffitte à aucun moment. Guy Cogeval
s'emmêle dans ses notes et confond le domicile des Natanson et
les locaux de la Revue Blanche.CG
[sur la rencontre avec Vuillard:] - ça c'est passé entre
[18]93 et [18]95 puisque elle était co-directrice de la Revue
Blanche avec son mari .
C'est un peu fort d'avancer cela. Je pense qu'effectivement elle a pu avoir plus d'influence que ne le pense Paul-Henri Bourrelier, mais de là à lui donner le rôle de co-directrice !Attention à la formulation suivante : GC
- un monde très mondain quoique petit-bourgeois et
où on refait le monde dans des salons accompagnés de
Mallarmé, d'Albert Aurier jusqu'à sa mort
prématurée en 1891 et avec tous les grands intellectuels
tous les grands savants comme Roger Marx, etc...
Guy Cogeval ne parle que des salons en général. N'allez pas croire que Misia connut Marx ou Aurier.GC
- vers 1899, Misia a été sans doute, mais je n'en ai pas
la preuve absolue, elle est devenue l'amante de Vuillard pendant un
certain temps,
Non, probablement pas. Vers 1899, j'aurai d'autres noms à vous proposer, mais pas celui de Vuillard...CD - Liszt, en tout cas vous le dites, a dit le plus grand bien d'elle.
GC
Ah oui, Oui, oui, oui. Il disait que c'était une des
interprètes les plus sensibles qui aient jamais
interprété son oeuvre.
Non. N'importe quoi. Guy Cogeval s'abaisse à enjoliver une histoire de Misia, qui n'a vu Liszt qu'une fois dans sa vie, et qui n'affirme même pas avoir joué son oeuvre. Je vous copie le passage pour que vous voyez comment les légendes se forment :Je
revois très nettement le visage de Liszt, encadré de
longs cheveux et orné de verrues. Il me faisait une peur
épouvantable en me prenant sur ses genoux au piano pour me faire
jouer la Bagatelle en mi bémol de Beethoven! Ah! si je
pouvais encore jouer comme cela !.. soupirait le génial
vieillard en me reposant à terre Ma grande vexation
était que mes pieds n'atteignissent naturellement pas les
pédales. (Misia par Misia, p.15)
Quand on sait la propension de Misia à transformer les cailloux
en diamants, que l'âge qu'elle feint d'avoir est faux...Enfin quand Charles Dantzig évoque le lesbianisme présent dans le Foyer, affirmant que cet aspect de la pièce venait probablement d'Octave Mirbeau, Guy Cogeval ajouta : - Et de Pierre Louys. [...] Sûrement, sûrement.
Non. Ce n'est pas parce
que Pierre Louÿs était un érotomane et qu'il avait
été en relation avec la Revue Blanche
pour son Aphrodite qu'il faut imaginer un quelconque lien avec Mirbeau
pour Le Foyer. C'est même impensable quand on pense au gouffre
que l'affaire Dreyfus avait dû creuser entre Mirbeau et Natanson,
dreyfusards de la première heure, et Louÿs!
L'entourage de Misia, et Misia elle-même, n'avait pas
attendu pour faire montre de sympathie et de compréhension pour
les artistes qu'on appelait alors "invertis" ou pour l'évocation
des amours homosexuelles. Rappelons-nous de Bonnard illustrant Parallèlement de Verlaine (1900)... |
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Les qualités | |||
Tout d'abord, bravo à Charles Dantzig qui a bien
préparé son émission, percevant très bien
les contours de Misia (telle que je la vois) et ne plongeant pas dans
ses leurres. Quelques phrases très justes : CD - Misia n'a pas la sottise péremptoire de Mme Verdurin si elle en a l'énergie.
CD - Finalement ce n'est pas pour rien que Mallarmé a écrit un éventail pour elle parcequ'elle ressemble à un éventail, elle se déplie, chaque fois il y a un côté Misia. CD - Et puis je crois qu'elle s'est très bien tenue, si ce n'est pas le cas de Coco Chanel, pendant la guerre; Guy Cogeval, que vous devez lire dans le catalogue de l'exposition (conseil d'ami:courrez vite l'acheter tant qu'il y en a) met à juste titre en avant le rôle de Misia vis-à-vis de Bonnard, Vuillard et Vallotton : GC - On
sent une certaine déclivité de toutes ces peintures en
direction de Misia, qui devient comme l'irruption du féminin
à l'intérieur de leurs peintures.
Je ne peux qu'approuver lorsqu'il loue Misia :GC
- elle est extraordinaire. Vous avez très très peu de
femmes qui ont une vie qui se renouvelle complètement de proche
en proche tout en restant, tout en conservant ses amis et tout en
restant fidèle à certains de ses amis de l'extrême
jeunesse.
Bien sûr, je n'aime pas la façon dont Guy Cogeval élude le sujet Ravel que lui tendait Charles Dantzig, pour y revenir plus tard en rappelant qu'en 1993, il avait été le premier à proposer que les toiles de Bonnard aient été inspirées de Shéhérazade! Cela rajoute, je le crains, un peu d'hypocrisie à tout cela. Mais je classe tout de même cela dans les qualités puisque c'est vrai, Guy Cogeval avait raison. Mais il n'avait pas vu que dans la partition de Shéhérazade, justement... (tout comme dans le reste de l'oeuvre de Ravel...). Ce qui fait que la toile, directement (GC évoque les perles données par Misia à Lantelme) et indirectement (par le biais de la musique de Ravel), fait référence à Misia... |
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_______ Petit problème de ce Secret de Misa, on n'y apprend aucun secret, et pourtant !... |