Une dédicace cachée dans la musique de Ravel - Revenir à l'index ...

Une lettre inédite
(3)
Le coeur de l'horloge

Mon "explication"

D'abord se renseigner sur le contexte  

Premier réflexe : consulter le journal de l'ami d'enfance de Ravel : Ricardo Viñes (Merci à Nina Gubisch)
La lettre date du jeudi 1 février. Le concert a donc lieu le samedi 3 février. Ce jour-là, Ricardo Viñes va écouter le concert de la Société nationale puis va


"au café Critérion (place St-Lazare) avec Fabre et Fargue ; là se trouvaient Ravel, Sordes, les Morland etc. Je rentrai par le train avec les Bénédictus et Ravel."

Pas de chance ! Viñes ne passe pas sa soirée avec Ravel !


Ensuite, continuer d'étudier le contexte :

Sur Mme Russel,  je lis dans le journal de Marguerite de Saint-Marceaux :


(cf Journal de Viñes, à paraître, édité par Nina Gubisch, aux Presses universitaires de Montréal)

[Vendredi] 6 janvier [1899]. Gentil dîner. Fauré fait de la musique toute la soirée. Une jolie femme anglaise, mrs Russell1, est venue dîner.

n1 Fauré avait écrit à Meg pour lui demander d'inviter "à dîner ou après-dîner Mrs Russell, la très gentille femme du professeur de chant de Londres" Il expliquait : "Ne pouvant pas lui faire le moindre accueil chez moi je voudrais vous prier de la recevoir pour moi! Elle et son mari sont de chauds Fauréïstes à Londres. [...] Et pardonnez-moi de faire de votre maison une éblouissante et exquise succursale de la maison mère, le petit couvent !" (lettre non datée, BnF)


Il est tout à fait possible que ce soit cette Mme Russell dont il s'agisse. Fauré en 1906, a été le professeur de Ravel et lui doit un peu sa nomination au poste de directeur du Conservatoire.

Enfin, laisser mijoter le tout (réfléchir) :

Quand c'est chaud, sortir du four : il s'agit de Michel Dimitri Calvocoressi. 

Ce musicologue est d'origine grecque. Or, en cette année 1906, Ravel  harmonise des mélodies populaires grecques. Ce cycle de mélodies fut donné lors d'un récital-conférence, présenté par Calvocoressi.

La mère de Calvocoressi doit donc être consultée, non pas pour donner son avis de musicienne (si tant est qu'elle le soit) mais de Grecque, qui connaissait le tempo, le caractère des mélodies populaires dont Ravel s'est saisi.


Cette lettre permet donc de préciser un peu la date de création de quatre des chansons grecques : Chanson du pâtre épirote, A vous, oiseaux des plaines, Mon mouchoir hélas est perdu et Chanson de la mariée. Marnat donne, comme Orenstein : 1905-1906.

La conférence suit-elle cette soirée, sorte de répétition musicale ?

Notons que c'est Marguerite Barbaïan qui est censée avoir créé la Chanson de la mariée (cf. Marnat p. 745)...

Voilà. 

C'est peu. 

Et parfois assez long à se découvrir. 

Et il en faut des centaines, voire des milliers, pour obtenir les ouvrages que nous devons à Arbie Orentstein, Marcel Marnat,  François Lesure...


Tout ça, ça ne vaut pas l'inédit déniché par M. Baek, qui prouve que la création de la Valse en ballet n'a pas été faite par Ida Rubinstein en 1929...
Hein ?

(Journal 1894-1927, Fayard, 2007, 1467p.

(p189)


Et une fois qu'on a trouvé la solution, il faut s'en rappeler.
Et évenutellement, la soumettre à des plus grands que soi.



dernière modification : juin 2008
David Lamaze
Le Cygne de Ravel ~ Le Coeur de l'horloge