Chapitre
2 Polémiques |
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Ravel
aimait ...
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L'autre ?
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" C'est sous l'influence des
femmes que Ravel a le mieux travaillé.
Beaucoup
tournaient autour de lui, et il s'en montrait très
heureux.[...]
Ravel
était très
sensible à la beauté féminine : on
aura
peut-être l'occasion de reparler de Jenny d'Aranyi ou de
Maria
Valente.
[...]
Pour en finir avec
Ravel-et-le-théâtre (et aussi
Ravel-et-les-grandes-dames),
il faut évoquer Ida Rubinstein. Avec elle, ce fut une
espèce d'histoire d'amour. Cela peut paraître
étrange, sans doute, ce lien entre une femme richissime, qui
avait des amants célèbres, et Ravel. Mais je
crois
qu'elle a eu vraiment une très grande tendresse, en plus de
l'admiration, naturellement, pour l'homme-Ravel.
[...]
Dans la vie de
Ravel que, moi,
je trouve déjà si pleine, on me fait toujours
remarquer
qu'il n'y a pas de femmes, ou, plus exactement, qu'il n'y a pas de
sexe. On a colporté beaucoup de légendes ou
d'interprétations hâtives, tel ce fard qu'Alma
Mahler se
riait d'avoir vu sur le visage de Ravel. Précisons donc
qu'il
s'agissait d'une poudre de riz, d'usage extrêmement
répandu en France, même dans les classes
populaires, et
que l'on s'appliquait soit pour dissimuler une barbe
indiscrète,
soit pour atténuer l'effet du rasage. Il faut admettre, bien
simplement, que Ravel eut une vie affective médiocre et
malheureuse. Un jour où nous passions boulevard
Beauséjour, à Auteuil, il me déclara,
à
brûle-pourpoint : "Voyez-vous, un artiste doit être
très prudent avant de prendre la décision de se
marier
car il est sans cesse préoccupé par son travail
créateur et cela peut ne pas être drôle
pour sa
compagne. Il faut bien penser à ça si l'on veut
se
marier." D'autre part, j'ai su, par recoupements et par une confidence
d'Hélène Jourdan-Morhange elle-même,
qu'il lui
avait, un jour, proposé de l'épouser. Or,
embarassée, elle a dû lui dire très
franchement
non, qu'elle l'aimait inifiniment et qu'il le savait bien, mais qu'il
ne pouvait être question de mariage entre eux.[...]
S'il ne flirtait
pas, Ravel
n'était pas chaste pour autant. À
l'époque, le
téléphone marchait très mal et il
arrivait qu'en
appelant quelqu'un qui était déjà en
ligne on soit
branché sur sa conversation. C'est ainsi que, bien
malgré
moi, je suis tombé plusieurs fois sur des
échanges
téléphoniques révélant que
Ravel n'ignorait
pas les rencontres expéditives. Souvent, lorsqu'il
était allé à Levallois voir son
frère, il
me donnait rendez-vous dans une brasserie de la porte Champerret. Et la
première vois qu'il me parla de cet endroit, il me
précisa : " C'est très bien, et puis, vous
verrez, il y a
des dames..." et, tandis que Ravel me rejoignait, je vis bien que
quelques-unes d'entre elles lui adressaient de gentilles salutations
supposant qu'elles le connaissaient très bien.
Lui-même ne
montrait d'ailleurs aucune gêne et répondait
gaiement de
la main, en leur disant : "Bonjour, bonjour..." Cela me
paraît
écarter le soupçon d'homosexualité que
quelques-uns ont cru pouvoir insinuer.
[...]
[Il] s'est
amouraché de
Maria Valente; C'était une fille magnifique qui paraissait
toute
habillée de noir et en pantalon (c'était rare
à
l'époque), très mince, très
élégante, avec de très belles
formes.Toute la
scène était envahie par toutes sortes
d'instruments et
elle faisait un numéro (qui s'est banalisé
depuis)
où elle touchait d'un peu tout [...] Ravel est
allé la
voir, et elle a eu peur. Comme elle eu raison ! Reste que le music-hall
fut une école admirable. "
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Ravel, souvenirs de Manuel
Rosenthal, receuillis par Marcel Marnat, Hazan, 1995.
Extraits des pages 18, 31,132-134, 155.
Rosenthal ne fut l'élève de Ravel
qu'à
partir de 1926. C'est donc d'un Ravel âgé
d'environ
cinquante ans dont il est question.
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L'identique ?
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"
L'indifférent
est un véritable tour de force de grâce et de
délicatesse. Le poème est charmant mais la
musique en a
décuplé la force de rayonnement. Ici,
Ravel trouve
le moyen d'évoluer dans une sorte d'équivoque
d'une rare
saveur. Nous ne savons pas de qui émane l'appel que
dédaigne ce jeune étranger dont les yeux sont
"doux comme
ceux d'une fille" et qui passe son chemin, " la hanche
légèrement ployée par sa
démarche
féminine et lasse". Cet éphèbe
repousse-t-il
l'invitation d'une courtisane ou celle d'un philosophe grec?
Quand on
connaît ce qu'on
a appelé l'énigme sexuelle de Ravel, qui fut, lui
aussi,
un "indifférent", on demeure troublé par tout le
délicat mystère qui flotte autour de ce petit
texte,
rempli de si étranges résonnances, et l'on
s'aperçoit que cette page est une des zones les mieux
protégées de sa sensibilité. Il
abandonne sa
pudeur coutumière pour se livrer à une sorte
d'effusion
lyrique, discrète, mais pénétrante,
qui constitue
dans toute son oeuvre un aveu exceptionnel. "
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Emile
Vuillermoz (1878-1960) fut condisciple de Ravel dans la classe de
Fauré.. (Maurice Ravel par quelques-uns
de ses familiers, éd. du Tambourinaire, 1939,
p.65-66) |
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"José Bruyr
s'interroge, comme beaucoup, sur le "jeune étranger aux yeux
doux comme ceux d'une fille", héros de la
troisième mélodie de Shéhérazade. Le biographe va
jusqu'à parler "d'un aveu d'une si
pathétique discrétion de ce qu'on a
appelé le "complexe sexuel" de
Ravel". D'autres aveux plus explicites existent lorsque le compositeur
se caractérise lui-même comme "un type dans le
genre de Louis II de
Bavière en moins lourd". Et Vuillermoz dit les
choses clairement :
"L'indifférent est [...] [cf supra]"
On est loin ici du
Basque viril
et dur, dont l'image a été parfois
appliquée au
compositeur, image qu'il cherchait peut-être à
donner de
lui-même, ce qui explique son côté
énigmatique. Il est un adulte resté enfant, ce
qui ,
à vrai dire, n'est pas si rare.
Mais, en adulte,
il sortait
beaucoup la nuit, à Paris, comme à Ciboure ou
Saint-Jean-de Luz.[...] Hélène Jourdan-Morhange a
raconté, pour la période d'après 1920,
que :
"Ravel avait peur
de l'insomnie et retardait toujours le moment de rentrer. Il adorait
marcher la nuit dans les rues de Paris."
Que cherchait-il
dans ses
déambulations nocturnes? Il rencontrait beaucoup d'amis dans
les
cabarets et restaurants à la mode[...] . Mais il cherchait
peut-être aussi ces rencontres furtives dont parle beaucoup
Julien Green (pour lui-même) dans ses mémoires.
Pourtant,
si l'homosexualité de Ravel ne fait guère de
doute, n'en
déplaise aux biographes trop réservés
(et
Marguerite Long préfère lui attribuer la
rencontre de
Vénus de carrefour") il la refoula sans doute toute sa vie.
[...] L'épisode des deux jeunes escrocs en 1929 cache-t-il
une
affaire de séduction ou profitèrent-ils
simplement de la
naïveté de Maurice? Pourquoi récuser le
témoignage d'Alma Mahler[cf infra], comme le fait Manuel Rosenthal
?
[...] Quel dommage
que la
grande dame viennoise ne lui ai pas fait rencontrer Sigmund Freud,
comme elle l'avait obtenu de son époux Gustav Mahler, qui
paniquait en 1910 dans ses relations avec cette femme fascinante et
fantasque. Selon son biographe Ernest Jones, Freud devina
d'emblée que le nom de la mère de Mahler
était
Marie (comme la mère de Ravel). [...] Alma raconte cet
épisode et conclut : "Freud lui dit : "Vous cherchez dans
chaque
femme votre mère qui fut pourtant une pauvre
valétudinaire et tourmentée..." Puis il ajouta,
en
parlant de moi, que je recherchais mon père en tant que
principe
spirituel... ce qui était exact. Mais mon père
était un bon vivant et Gustave Mahler, lorsque je
le
connus, était, à par quelque aventures
passagères,
resté presque vierge... et il avait quarante ans. Ce n'est
pas
là un hasard. Célibataire-né, il
redoutait les
femmes. Sa peur de se trouver "amoindri" était
incommensurable,
prudent il évaitait l a vie... c'est-à-dire la
femme"
Marie Delouart [la
mère
de Ravel], basquaise, était issue d'un milieu où
dominait
l'élément féminin (familles sans
pères et
civilisation de l'echeko-andere,
la maîtresse de maison). Dans sa passion infantile pour elle,
Maurice la craignait sans doute, et dans sa mélancolie plus
ou
moins persistante, comme dans sa difficulté à
faire le
deuil de sa génitrice, Freud aurait retrouvé cet
amour-haine : celui qui souffre après la mort de
l'être
aimé se reproche souvent inconsciemment son désir
inavoualbe de s'en débarrasser."
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Etienne
Rousseau-Plotto, Atlantica, 2004 signe un Ravel, portraits basques
(Atlantica, 2004) fort intéressant quant aux origines
basques du
compositeur. Je suis beaucoup moins convaincu par la façon
de
démontrer l'homosexualité de Ravel. Ainsi, E.
Rousseau-Plotto affirme que Ravel se décrit comme "un type
dans
le genre de Louis II de Bavière " en omettant de citer le
contexte :
"
Maintenant que mon
installation est terminée, je voudrais aller recommencer
autre
part. "
contexte qui fait clairement
référence non pas à
l'homosexualité de ce
roi mais à la frénésie de construction
qui le
possédait et qui donna le jour aux
châteaux de
Herrenchiemsee, Neuschwanstein, Linderhoff... |
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" Il
était un hôte singulier et intéressant.
Il habita
trois semaines seul avec moi dans ma petite demeure viennoise et y
dirigea même les répétitions de ses
concerts. Nous
prenions souvent seuls notre maigre repas (cela se passait tout juste
après la guerre et la famine sévissait presque).
J'avais
donc tout le temps de l'étudier. C'était un
Narcisse. Il
rapportait tout à son physique et à sa grande
beauté. Bien qu'il fût petit, son corps
était si
bien proportionné que sa silhouette
élégante et
légère était d'une remarquable
harmonie.
Il prenait un vif
plaisir
à jouer un rôle inquiétant.
C'était un
masque de perversion singulière que portaient en ce
temps-là, à Paris, les jeunes musiciens
cultivés,
comme par exemple Darius Milhaud. Mais seulement en manière
d'amusement et in en était sans doute de même de
Ravel.
Car c'était un homme de culture et de sensibilité
raffinée comme Milhaud, Poulenc, et tous nos amis du groupe
de
musiciens français modernes.
Ravel se plaisait
à
porter des vêtements de taffetas éclatants qu'il
exhibait
le matin, lorsqu'il apparaissait chez moi, fardé et
parfumé, pour le petit déjeuner. "
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Ma vie, Alma
Mahler, Julliard, 1961. (traduction, l'original date de 1935)
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Le détail technique... et rien d'autre? |
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"Le
train spécial finit par apparaître,
tracté par une
locomotive de type 120, version mixte de la 11 Buddicom à
grande
vitesse. Les factotums commencent de charger les bagages dans les
logements conçus à cet effet pendant que Ravel
fait ses
adieux aux dames, déployant toute la distinction de ses
manières, compliments et baisemains, remerciements et
protestations d'amitié. Puis il monte dans le wagon de
première classe et trouve sans mal sa place
réservée près de la fenêtre,
dont il baisse
la vitre. On échange encore des petits mots souriants qui
s'épuisent jusqu'à l'heure du départ
où ces
dames extraient leur mouchoir de leur sac et entreprennent de l'agiter.
Ravel n'agite rien, se borne à un dernier sourire anguleux
avec
un signe de la main avant de remonter la glace et de rouvrir le
journal.
Il part en
direction de la gare
maritime du Havre afin de se rendre en Amérique du Nord.
C'est
la première fois qu'il y va, ce sera la dernière.
Il lui
reste aujourd'hui, pile, dix ans à vivre." (p. 17-18)
" Il pourrait
peut-être
essayer de dormir avec quelqu'un, quand même. Le sommeil est
parfois plus facile quand on est moins seul dans un lit. Il pourrait
toujours tenter le coup. Mais non, rien à faire. On ne sache
pas
qu'il ait amoureusement aimé, homme ou femme, quiconque."
(p. 84)
" Vous êtes vraiment une idiote, Marguerite [Marguerite Long
,
qui a ne retrouve plus les billets de train], s'énerve
froidement Ravel. Une conne, précise-t-il
posément en
pliant en quatre un journal. " (p. 98) |
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Ravel,
J.Echenoz, les éditions de Minuit, 2006. Roman,
dont les
descriptions nombreuses et minutieuses, semblent peindre le regard d'un
Ravel obsédé par le détail. Il me
semble manquer
l'essentiel à ce tableau : le "coeur aimant, simple, doux et
tourmenté" dont par L.P. Fargue. Pourquoi occulter les
fortes
amitiés de Ravel pour Delage, pour les Godebski, et peindre
précisément un moment d'emportement envers
Marguerite
Long ? |
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Qui croire ?
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Tout
le monde ?... Personne?... ou Ravel ?
Citation (partiale) :
[C]e
sont les musiciens qui parlent le mieux de la musique, quand ils se
donnent la peine de l'étudier profondément.
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Maurice
Ravel lettre à Ernest Ansermet, au sujet d'une
étude de ce dernier sur Stravinsky (Arbie Orenstein, Maurice Ravel,Lettres,
écrits et entretiens, Flammarion,1989). |
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