Page 13 L'humour de Ravel... | |||||||||||||||||||
Entre camarades... |
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Ravel écrit à Florent Schmitt, qui a
décroché de Premier Prix de Rome et se trouve donc
à la Villa Médicis : Comme je vous plains, mon cher ami, de vous êtes trouvé trop loin de Paris pour ouir de telles choses !
Et il ajoute, comme si la camaraderie masculine ne pouvait être complète sans un peu de misogynie :Il
y a lieu de douter que vous receviez jamais une lettre de Mlle Toutain,
une demoiselle ne devant pas correspondre avec un jeune homme. Cet
argument, fourni par la mère de la jeune personne, m'a paru spécieux,
ayant toujours considéré une femme faisant de la fugue comme quelque
peu hermaphrodite.
Ici doivent se terminer ces épanchements épistolaires, sous peine d'arriver en retard au dîner de Mme David, où j'espère apporter quelques calomnies inédites sur votre compte. |
A.Orenstein, op. cit. p64-65. | ||||||||||||||||||
Au Cercle... |
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Les Apaches, dont Ravel fait partie, élaborent un dictionnaire musical non-approuvé par le Conservatoire de Paris : | |||||||||||||||||||
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M.D. Calvocoressi, Music and Ballet. | ||||||||||||||||||
Dans la presse en folie. |
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Ravel,
à la suite d'une tournée qui l'a mené en Suisse,
rapporte avec délection à une amie ce que sa
tante a lu dans le Journal de Genève : A vendre, une jument provenant d'un gendarme.
Demoiselle, voulant se défaire d'un canapé, consentirait à perdre quelque chose dessus. |
A.Orenstein, op. cit. p136. | ||||||||||||||||||
Des grivoiseries... |
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Lorsque l'Heure espagnole
est achevée, son leste sujet inquiète le directeur de
l'Opéra-Comique, Albert Carré. Dans une lettre
toute en ironie, Ravel relate comment les histoires d'amours
adultères de l'horlogère Concepcion laisse froid son
interlocuteur. [...]
je vais vous narrer par le menu les aventures de l'Heure espagnole :
Mardi dernier, j'affiche ma meilleure voix de Tolède et me
rendis chez Carré avec Bathori (1) seule [...]. Je fredonne plus
faux que jamais, débute par casser 3 notes à un piano de
bastringue, laisse Bathori entonner les airs de bravoure, et nous
attendons la décision suprême : Refusé...
Impossible d'imposer un pareil sujet aux oreilles candides des
abonnés de l'Opéra-Comique. Songez donc : ces amants
enfermés dans des horloges et que l'on monte dans la chambre !
On sait bien ce qu'ils vont y faire!! (sic) Je reconnais que c'est
là la situation la plus scabreuse qui ait été
présentée sur la scène depuis Jean
Schopffer.(sic)(2) Perverti sans doute par des lectures malsaines,
lorsque je voyais des amoureux s'engager "sous la feuillée",
j'avais toujours supposé des intentions
déshonnêtes. Je vois bien maintenant, grâce à
ce sévère moraliste qu'est le Directeur de
l'Opéra-Comique, que mon interprêtation était
infâme, et que le travers le moins innocent de Carmen, de Manon,
de Krysis ou de la Reine Fiamette était de se mettre trop
fréquemment le doigt dans le nez. Et puis, n'est-ce pas
effarant, cette femme qui admire les biceps d'un homme! (sic)
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A. Orenstein, op. cit p 94. Notes (1) Jane Bathori, pianiste et chanteuse qui avait créé les Histoires Naturelles l' année précédente..
(2) Jean Schopfer, alias Claude Anet, écrivain, journaliste, tennisman (champion de France!) qui n'a,en cette année 1908, jamais, à ma connaissance, été joué... |
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Du plus cru.... |
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La fille de ses amis Godebski raconte : Les vendredis nous faisions maigre et
Ravel en arrivant demandait toujours : "Que mange-t-on
aujourd'hui ? Du chou-fleur à la polonaise ?"
Souvent il employait un terme plus "cru", ajoutant: "comme
dirait le père Ubu". C'est ainsi qu'il surnommait mon
père
.
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Revue musicaleQuelques souvenirs intimes sur Ravel. Décembre 1938. | ||||||||||||||||||
De l'originalité... |
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[...]Il
se piquait, en tout cas, de ne rien faire comme tout le monde.
Invité à un dîner, il faisait envoyer un plateau de
fromages. Tout un chacun apportait des fleurs, mais lui songeait au
choix des fromages [...]
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Rosenthal, p136. | ||||||||||||||||||
Et un sourire, jusqu'à la fin... |
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À la toute fin de sa vie, malgré la maladie qui le coupa
progressivement du monde, il gardera sa conscience et sa faculté
de rire : Peu avant son opération chirurgicale, ses amis l'emmènent se faire raser la tête et essaient de lui faire croire à une radiographie. Ravel s'exclame : Mais non : je sais bien qu'on va me couper cabèche.
La veille de son opération, il écoute chez les Delage un festival Ravel à la Radio. Et
là, à la fin, éclat de rire formidable de Ravel se
tapant sur les cuisses. Alors Delage lui demanda : " Mais Rara,
qu'avez-vous donc ?" Et Ravel hoquetant : " Ah! Quand je pense quelle
bonne blague j'ai jouée au monde musical !"
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Rosenthal, p 190-191. | ||||||||||||||||||
Cacher dans son oeuvre un nom et un prénom à l'insu de tous est déjà assez ironique. En avoir laissé des indices l'est encore plus. Je l'entends dire en écrivant le titre de Jeux d'eau... "Je vais même leur donner la clef !"
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Jeux d'eau, graphie originale du titre, B.N. Ms 15 198, Bob 5 943 |