Julien régla le taxi, souleva doucement le cosy dans lequel Eléonore dormait et rejoignit Agathe. Elle cherchait encore ses clefs lorsque la porte s'ouvrit. Monsieur Rodriguez apparut, tout sourire :

- Alors, le voilà le petit trèsor ? Et, mais... ça pionce ferme là-dedans !

Deux minutes soit un accouchement - résumé - plus tard, la petite famille s'apprêtait à affronter les six étages qui les séparaient d'un repos bien mérité lorsque le concierge ajouta :

*

Premier étage, une lettre de Moscou. Chouette, ça doit être Véra. Des nouvelles de son mariage, sans doute. Deuxième étage, des factures et de la pub. Ah! ça, c'est le notaire. Ouverture immédiate.

- Bonne nouvelle, on signe bien le 23, dit Agathe

- Tu entends ça bébé ? Tu auras droit à deux semaines de nid d'amour et puis après, ouste ! On quitte le paradis céleste pour de bon !

Quatrième. Même avec dix kilos en moins, ça reste haut. Tiens, un paquet affranchi aux U.S.A ! Et cette écriture...

- Julien, est-ce que tu sais si je suis censée connaître quelqu'un à San Fransisco ?

*

Chère Agathe,

Quelques nouvelles.

La santé est bonne. Excellente même. Les voyages me réussissent. Je vous joins d'ailleurs un petit souvenir acquis lors d'un récent passage en Suisse.

Le moral, rassurez-vous, n'a pas pâti de mes petits tracas financiers. Au contraire, je me sens rajeunir. Figurez-vous que je me suis mis à la musique ! C'est un peu grâce à vous que j'ai eu envie de consacrer mon temps libre - que vous savez conséquent - à la musique.

Je crois vous avoir dit la confiance que j'avais en mes capacités auditives. Elle ne s'est pas démentie et je crois avoir fait dans le domaine des sons un parcours assez rapide. Tel le joueur d'échec de Zweig, je tins le rôle du professeur et celui de l'élève. Les parties historiques furent dans mon cas... des partitions.

Vous devinez facilement le nom du compositeur dont j'ai étudié le plus l'oeuvre... Comme vous, je me suis piqué au jeu et j'ai même eu le plaisir de découvrir nombre de manuscrits conservés outre-atlantique.

Percevoir l'art derrière l'art, vous le savez, cela plait à mon esprit analytique... et je dois dire que dans ce cas présent, il me semble que Maurice Ravel m'a gâté !

Pour finir cette petite lettre, je vous joins - en plus de la montre - une petite chose qui, je l'espère, vous surprendra, et pour laquelle, j'aurais aimé avoir votre avis.